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Traditions et culture
Des Suédois et leurs mythes, faux, vrais ou oui, mais …
par : Åke Daun, professeur en ethnologie européenne

Est-ce que les Suédois sont particulièrement enclins à se suicider ? Existe le péché dit suédois ? Est-ce que la morosité prêtée aux Suédois est réellement fondée ? Les Suédois sont-ils très réservés ou simplement timides ? Les mythes fleurissent au sujet de tous les peuples, mais il faut admettre que tous ont effectivement leurs caractéristiques.

La propension suicidaire – une rumeur d’origine américaine !
En fait la Suède occupe à cet égard la quinzième place seulement parmi les pays européens. Et pourtant les étrangers parlent volontiers de l’inclinaison suicidaire prononcée des Suédois. L’origine de cette rumeur remontrait à un discours tenu en 1960 par le président des États-Unis, Dwight D. Eisenhower. Selon lui, la politique de bien-être sociale excessive menée en Suède conduit tout droit « au péché, au nudisme, à l’alcoolisme et enfin au suicide ». Si l’opinion publique devait oublier rapidement le lien causal suggéré avec la politique de bien-être, la réputation suicidaire de la Suède devait faire le tour du monde.

Les effets climatiques
De nombreux immigrants en Suède ont, de leur côté, l’impression que les Suédois n’ont pas de véritable joie de vivre. Cette erreur d’interprétation peut s’expliquer par la répugnance des Suédois à manifester ostensiblement leurs sentiments en général, que ce soit de la joie ou de la peine. Les étrangers soulignent souvent une certaine raideur du comportement social des Suédois. Or ceux-ci partagent non seulement ce même avis, mais sont toujours enchantés par la joie de vivre qu’ils croient percevoir chez les méridionaux. Le rôle climatique est certes important. De nombreux Suédois éprouvent une morosité en période froide de l’année, l’été ayant un effet radicalement opposé sur leur humeur. Ces variations saisonnières n’ont toutefois pas d’incidence profonde sur leur moral. Rares sont en effet les pays dont les habitants rayonnent davantage de joie que les Suédois des mois d’été lumineux durant lesquels se dégage un sentiment intense de bonheur et de liberté. Pareille satisfaction n’exclut cependant pas « un certain regret … du caractère éphémère de l’été ».

Un humour subtil
Variant de pays à pays, l’humour pose certaines difficultés. Ainsi une personne cependant fort instruite dans une langue étrangère risque de ne pas toujours y saisir une plaisanterie faisant rire les auditeurs natifs. Les Suédois à leur tour apprécient souvent une allusion vague ou encore une tournure particulière qui sont autant de subtilités culturelles rarement saisies par les étrangers.

Le péché suédois et l’égalité des genres
De nos jours le péché suédois et la nudité – présentés dans des films et affichés sur les plages – ne laissent rien à envier aux autres pays occidentaux. Il est vrai par contre que les Suédois sont effectivement des pionniers du nudisme. Tout aussi correct est le fait que de nombreux immigrants ont, au fil des ans, mal interprété l’émancipation des Suédoises en y voyant simplement un signe de mœurs légères. Il est symptomatique qu’une suédoise mariée puisse avec un autre homme avoir des rapports étroits, mais non pas intimes. Les idées progressistes ont depuis les années 1960 dominé en Suède, en matière hétéro- et homosexuelle notamment. Un trait caractéristique des politiques suédoises est leur ambition d’égalité entre hommes et femmes. Ainsi les autorités publiques ont pris des mesures pour encourager les pères à utiliser davantage leurs droits de congés payés de paternité. Entre 1997 et 2004 le taux des pères ayant pris au moins 60 jours de ce congé (sur un congé total de 480 jours) est ainsi passé de 10 à 18 pour cent.

Est-ce que le Suédois laconique pèche par bêtise ou par politesse ?
Les étrangers jugent les Suédois comme généralement aimables et polis, mais également tristes et dépourvus d’humour. Les Suédois eux-mêmes abondent en ce sens, surtout dans leurs rapports avec la convivialité des étrangers pour lesquels la conversation remplit une fonction sociale littéralement vitale. Les Suédois peinent à établir des liens sociaux, vu qu’ils éprouvent rarement du plaisir à parler tout simplement parce que l’occasion s’en présente. De nombreux Suédois préfèrent écouter, chose considérée généralement en Suède comme signe de modestie, qualité hautement prisée. L’étranger peut malheureusement en déduire que les Suédois laconiques n’ont pas grand chose à dire. Ce serait une conclusion probablement aussi fausse que celle opposée : le caractère laconique dû à la présomption. « Les Suédois semblent trouver inutile de participer à notre conversation. Quels personnages hautains et arrogants !» Or pour les Suédois, présomption et vantardise sont de très graves faiblesses.

Le caractère relativement taciturne des Suédois s’explique par le malaise éprouvé en dominant la conversation, trait qui révèle donc chez eux un mélange de timidité et de modestie. Il faut se rappeler ici que la vieille société agraire suédoise réprouvait fortement les individus se mettant trop en valeur. Contrairement aux pays d’Europe méridionale, la Suède d’autrefois ne connaissait pas la vie sociale du café public. Même si ce dernier aspect change rapidement de nos jours, les Suédois n’avaient longtemps pas l’habitude d’adresser la parole à des inconnus.